Les petites et moyennes entreprises(PME) représentent environ 90% du tissu économique et contribuent à près de 40% au produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique, selon la Banque mondiale. Cependant, leurs financements restent insuffisants pour leur permettre d’atteindre leur plein potentiel. Décryptage.
Par Marie-France Réveillard
L’Afrique compte entre 10 et 12 millions de nouveaux actifs chaque année, pour 3 millions de postes formels disponibles. Alors que les PME emploient près de 60 % de la population active, elles manquent cruellement de financements pour absorber les 450 millions d’Africains attendus sur le marché de l’emploi d’ici 2050, selon les Nations unies. « L’Afrique compte plus de 100 millions de PME qui ont besoin de 350 milliards de dollars [316 milliards d’euros, NDLR] par an, pour assurer leur développement. Or, elles mobilisent à peine 20 % de cette somme », explique Didier Acouetey, CEO d’AfricSearch et fondateur du SME Champions Forum. Avant la pandémie de COVID-19, la part de l’Afrique dans les capitaux d’investissement mondiaux était inférieure à 1 %, selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). En dépit d’une augmentation du stock mondial d’actifs sous gestion, les investissements directs étrangers (IDE) en Afrique ont stagné sur les 10 dernières années, et les projets greenfield ont chuté en moyenne de 3 % par an. « Le développement en Afrique est tiré par le secteur privé, et notamment par ses PME qui représentent un vivier de croissance économique, social et durable », estime pourtant Myriam Brigui, directrice du réseau Proparco, la filiale dédiée au secteur privé du groupe Agence française de développement (AFD), qui a fait du soutien aux PME un axe central de la stratégie « Choose Africa ». « En 2023, Proparco a engagé 1,4 milliard d’euros en Afrique dont 450 millions dans les startups et les PME, à travers des financements en dette, des garanties accordées aux banques locales ou régionales, des investissements en fonds propres ou un accompagnement technique », précise-t-elle.
« Il y a en Afrique plus de 100 millions de PME. Pour assurer leur développement, elles ont besoin chaque année de 350 milliards de dollars. Or, elles mobilisent à peine 20 % de cette somme
Partager Les Risques Pour Financer Les PME
Le manque d’harmonisation réglementaire et d’informations fiables, le faible taux de bancarisation, la volatilité des taux de change, l’instabilité politique et les risques climatiques, alimentent une perception parfois exacerbée du niveau de risque, qui coûte cher aux PME africaines. Les notations des agences internationales crispent les investisseurs et pèsent lourdement sur les taux d’intérêt. « Le continent est considéré comme une région à haut risque. Paradoxalement, les retours sur investissement y sont considérables avec un taux moyen de rentabilité de 25 % », explique Ngueto Yambaye, le directeur général du Fonds africain de garantie et de coopération économique (FAGACE), pour qui les banques « ne financent pas suffisamment l’économie réelle », résultat d’un dysfonctionnement structurel. « Leur modèle est calqué sur celui des banques européennes qui ne correspond pas aux réalités du continent où le taux de bancarisation avoisine 15 % […] Lorsque j’étais ministre de l’Économie, de la Planification et du Développement au Tchad, j’avais réalisé une étude qui montrait comment, avec 15 millions de francs CFA [près de 23 000 euros, NDLR], un agriculteur qui investissait sur 1 hectare et qui s’alimentait en énergie solaire pouvait générer un revenu mensuel de 700 000 francs CFA [plus de 1 000 euros, NDLR] », explique-t-il. Créé en 1977, le FAGACE accompagne des milliers de PME dans 14 pays africains, en facilitant leur accès au crédit via différents mécanismes de partage des risques financiers.
Une Ingénierie Financière Renforcée
Les entreprises qui cherchent à lever plus de 3 millions d’euros se tournent vers les banques et les bailleurs internationaux,
les micro-entreprises recourent aux établissements de micro-crédit pour des prêts inférieurs à 30 000 euros, et les startups s’orientent vers le capital-risque. En dix ans, ce sont 20 milliards de dollars (18 milliards d’euros) qui ont été investis dans la Tech africaine, dont 68 % ces trois dernières années, selon Bpifrance (2024). L’attractivité technologique est bien là, mais les montants ne sont pas à la hauteur des enjeux numériques, au regard des 44 milliards de dollars (39,7 milliards d’euros) investis par Elon Musk dans le seul rachat de Twitter, en 2022… Le soutien au démarrage des PME apparaît comme le « chaînon manquant » de cette architecture financière. « Il existe plusieurs mécanismes de financements pour les PME africaines, mais ils ne sont pas assez connus », observe Abdou Diop, Managing Partner chez Forvis Mazars, au Maroc : « Nous proposons des services variés, allant de l’information à la structuration des dossiers financiers, jusqu’à l’Advocacy. Nous sommes présents sur toute la chaîne d’accompagnement des PME ». De son côté, Didier Acouetey lançait il y a deux ans une coalition dédiée aux PME africaines, avec la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA). « À travers l’organisation de rencontres rassemblant tous les acteurs concernés par le développement des PME comme l’IFC, Afreximbank ou la BOAD, l’Africa SME Coalition va favoriser la circulation des informations et l’échange de best practices », indique-t-il.
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