À Aného, ancienne capitale du Togo, le Miadjoe Beach Resort offre une parenthèse rare : celle d’un lieu où l’on vient pour s’ancrer, ralentir et se reconnecter à l’essentiel. Porté par l’énergie visionnaire de Lionel Kodjovi Djondo, ce refuge aux allures de sanctuaire culturel mêle bois brut, fresques géantes et traditions ouest-africaines.
Par Christian Missia Dio
Sur la côte sud-est du Togo, à 45 kilomètres de Lomé, la ville d’Aného retrouve des couleurs. Jadis capitale du pays et cœur historique de la Préfecture des Lacs, elle est aujourd’hui en pleine renaissance grâce, entre autres, à l’initiative d’un entrepreneur au parcours atypique : Lionel Kodjovi Djondo. Avec le Miadjoe Beach Resort, ouvert en pré-lancement en janvier 2025, ce fils de Gervais Koffi Djondo (cofondateur d’Ecobank et d’Asky Airlines) signe l’un des projets hôteliers les plus prometteurs du littoral togolais.
« Avec le Miadjoe Beach Resort, ouvert en pré-lancement en janvier 2025, ce fils de Gervais Koffi Djondo (cofondateur d’Ecobank et d’Asky Airlines) signe l’un des projets hôteliers les plus prometteurs du littoral togolais »
De la Pirogue au Resort : Un Projet Guidé Par l’Instinct et la Débrouillardise
Tout commence durant la pandémie, en février 2021. Alors qu’il travaille encore chez Ecobank, Lionel Djondo troque temporairement sa vie de banquier pour un projet en mer : investir dans une activité de pêche artisanale avec une pirogue, revendant ensuite les poissons à des amis hôteliers ou restaurateurs. Une expérience risquée – il embarque même une fois pour trois jours de pêche sans radio ni système de secours. Ce baptême du feu renforce sa passion pour la mer, qu’il concrétise par la construction d’un bateau plus moderne, entièrement réalisé par des artisans locaux. Il le baptise Let’s Go, ou Miadjoe en mina, la langue locale. Le projet Miadjoe est né.
Mais à l’embouchure du lac Togo, la zone n’est ni port de pêche ni port de plaisance : le bateau est difficile à amarrer. Pour le protéger, Lionel demande l’autorisation de construire un petit ponton. La mairie accepte à condition qu’il aménage toute la zone, alors à l’abandon. Il nettoie, plante, crée un petit jardin… Puis installe quelques tables. Le Miadjoe Lounge Bar ouvre en février 2021, en pleine période Covid. Le bouche-à-oreille fonctionne, les curieux se pressent. Jusqu’à 300 couverts sont servis les week-ends. En huit mois, l’investissement est amorti.
Avec seulement 15 millions de francs CFA d’investissement initial (environ 22 700 euros), Lionel parvient à dégager un chiffre d’affaires de 180 millions de francs CFA (environ 274 000 euros) la première année, puis 250 millions (381 000 euros) l’année suivante. Le succès est fulgurant. Ce sont ces revenus qui permettront d’autofinancer en partie la seconde phase du projet : l’hôtel.
Mais Aného est loin de Lomé et les visiteurs, souvent venus de la capitale ou du Bénin, doivent repartir sitôt la nuit tombée. C’est ce besoin d’hébergement qui donne naissance au resort. Pour le financer, Lionel contracte un prêt bancaire de 250 millions de francs CFA (environ 380 000 euros), à un taux de 8 %. Il mobilise aussi le soutien d’un ami investisseur, qui injecte 100 000 euros sur la base d’une simple présentation du projet. Une structure financière audacieuse mais bien construite, reposant sur le cash-flow du restaurant, la confiance relationnelle et sa propre expertise du monde bancaire.
« Avec seulement 15 millions de francs CFA d’investissement initial (environ 22 700 euros), Lionel parvient à dégager un chiffre d’affaires de 180 millions de francs CFA (environ 274 000 euros) la première année, puis 250 millions (381 000 euros) l’année suivante »
Un Complexe aux Inspirations Panafricaines et Numériques
Loin des standards aseptisés de l’hôtellerie internationale, le Miadjoe Beach Resort revendique une identité visuelle et architecturale nourrie par la culture locale, les matériaux naturels et les outils numériques. « J’ai conçu le logo et les premières maquettes à partir de Pinterest et d’images générées par intelligence artificielle », explique Lionel Djondo. Le complexe mêle bambou, teck, palettes recyclées et volumes verticaux spectaculaires.
« Le complexe mêle bambou, teck, palettes recyclées et volumes verticaux spectaculaires »
Dès l’entrée, le visiteur est frappé par une imposante palissade de bois, construite à partir de palettes et de teck, qui évoque à la fois une muraille contemporaine et une sculpture monumentale. Cette structure brute et élégante, pensée pour surprendre et marquer les esprits, est devenue un véritable décor de photos pour les visiteurs. Plus largement, tout le resort a été pensé pour être visuellement marquant. Les hauteurs généreuses, les fresques colorées, les détails artisanaux – chaque recoin du Miadjoe invite à l’émerveillement et à la prise de vue. L’hôtel s’impose ainsi comme un lieu résolument « instagrammable », où les voyageurs prennent autant de plaisir à séjourner qu’à partager leur expérience en ligne.
«Tout le resort a été pensé pour être visuellement marquant »
Sur la façade principale, une fresque monumentale représentant une Amazone stylisée rend hommage aux Mino, guerrières du Dahomey. L’imaginaire de l’Afrique de l’Ouest irrigue aussi les couloirs et les fresques. Autre référence forte : les Agoudas, descendants d’anciens esclaves revenus du Brésil au XIXe siècle et installés à Aného. Leur héritage culturel unique reste peu valorisé mais constitue un axe d’identité fort pour le lieu.
Une Carte aux Saveurs Marines et aux Influences Multiples
Côté assiette, la carte du Miadjoe est le fruit d’une collaboration entre Lionel Djondo et son épouse. Elle fait la part belle aux produits de la mer : langoustes, gambas grillées, crevettes marinées, poissons fumés. Des plats traditionnels comme le pinon (préparation traditionnelle à base de gari cuit à la vapeur) ou le riz au coco accompagnent les viandes rôties, notamment le hanvi dokpomé (porcelet grillé). Le fromage local wangashi est aussi mis à l’honneur dans une approche contemporaine. Une gastronomie simple mais raffinée, qui fait le lien entre traditions togolaises, inspirations modernes et attentes internationales.
« Une gastronomie simple mais raffinée, qui fait le lien entre traditions togolaises, inspirations modernes et attentes internationales »
Vers Une Marque Hôtelière Togolaise ?
Avec ses 24 chambres actuellement en service et des extensions en cours, le Miadjoe Beach Resort vise une capacité de 50 à 55 chambres, incluant des suites familiales, un rooftop, un spa et une salle de conférence. Lionel Djondo souhaite en faire une destination de séminaires et de tourisme culturel. Il est aussi en discussion avec Asky Airlines pour proposer des escales culturelles aux passagers en transit, à l’image du modèle d’Ethiopian Airlines. Mais le projet reste 100 % indépendant. Le terrain du resort est exploitable via un bail de 45 ans, selon une logique assumée d’optimisation foncière : « Je préfère investir dans les infrastructures que dans l’achat d’un terrain mal situé ».
« Le Miadjoe Beach Resort vise une capacité de 50 à 55 chambres, incluant des suites familiales, un rooftop, un spa et une salle de conférence »
Un Impact Économique et Culturel Concret
Aujourd’hui, le projet Miadjoe emploie directement une cinquantaine de personnes sur le site d’Aného, entre l’hôtel, le restaurant et les services de sécurité. En incluant les emplois indirects – prestataires, artisans, électriciens, femmes de ménage, équipe de maintenance – l’impact économique est estimé à plus de 250 emplois dans la région. Des synergies ont aussi été nouées localement. Chaque matin, dès 4h30, une quinzaine de femmes de pêcheurs viennent nettoyer la plage. Elles sont organisées en association et perçoivent une rémunération mensuelle. Côté formation, Miadjoe accueille des stagiaires du centre Mater Mae, spécialisé dans les métiers de la restauration, et réfléchit à la création à moyen terme d’un véritable centre de formation hôtelier à Aného.
« Le projet Miadjoe emploie directement une cinquantaine de personnes sur le site d’Aného, entre l’hôtel, le restaurant et les services de sécurité »
L’ambition de valorisation culturelle est également au cœur du projet. Aného, ville tricentenaire, fut la première capitale du Togo et conserve un riche patrimoine historique : maisons coloniales, traditions royales, héritages afro-brésiliens et mémoire de la traite négrière. Miadjoe collabore activement avec la mairie et des guides locaux pour proposer aux visiteurs des circuits patrimoniaux, et soutient la création artistique à travers des expositions et projets de résidences.
« Miadjoe collabore activement avec la mairie et des guides locaux pour proposer aux visiteurs des circuits patrimoniaux »
Une Clientèle Régionale en Plein Essor
Si la clientèle locale reste importante, le Miadjoe Beach Resort attire de plus en plus les expatriés et des visiteurs venus du Nigéria, notamment de Lagos, mais aussi du Bénin, pays voisin. Ces flux sont alimentés par le bouche-à-oreille et les publications sur les réseaux sociaux, grâce à des collaborations efficaces avec des créateurs de contenu. Certains visiteurs n’hésitent pas à traverser les frontières uniquement pour séjourner à Aného.
« Si la clientèle locale reste importante, le Miadjoe Beach Resort attire de plus en plus les expatriés et des visiteurs venus du Nigéria, notamment de Lagos, mais aussi du Bénin, pays voisin »
Cette dynamique régionale révèle le potentiel d’un tourisme sous-régional encore sous-exploité. Alors que beaucoup de voyageurs africains privilégiaient autrefois l’Europe, une nouvelle tendance émerge : explorer les pays voisins. Miadjoe s’inscrit pleinement dans cette évolution, en misant sur une offre ancrée, qualitative et accessible.
« Alors que beaucoup de voyageurs africains privilégiaient autrefois l’Europe, une nouvelle tendance émerge : explorer les pays voisins »
En semaine, le site attire également une clientèle corporate. Des séminaires, ateliers et événements professionnels y sont déjà organisés. L’extension en cours permettra de mieux répondre à cette demande, avec des chambres supplémentaires et des équipements adaptés. L’objectif est clair : faire du resort une destination capable de conjuguer tourisme, culture et affaires.
« L’objectif est clair : faire du resort une destination capable de conjuguer tourisme, culture et affaires »
Une Réponse Locale à l’Érosion Côtière
Si Lionel Djondo a osé bâtir en bord de mer, c’est grâce aux résultats du programme WACA-Togo, soutenu par la Banque mondiale, qui a permis de regagner 25 à 30 mètres de plage sur certaines zones d’Aného. Ce succès l’a convaincu d’investir localement, tout en misant sur une architecture en matériaux durables, un éclairage solaire, des partenariats pour le recyclage, et l’intégration des femmes de pêcheurs dans le nettoyage quotidien du site.
Prochaine Escale : Kpalimé ou l’Hôtel-Jardin
Le second projet, en cours de réflexion, se situera à Kpalimé, première destination touristique du Togo. Lionel y envisage un hôtel-jardin tourné vers la nature : chambres ouvertes, circuits culturels, jardin botanique. L’idée est de créer une double destination : mer à Aného, montagne à Kpalimé. Un troisième projet, plus confidentiel, prévoit l’aménagement d’une île sur le lac Togo, selon un modèle haut de gamme 100 % écoresponsable.
« L’idée est de créer une double destination : mer à Aného, montagne à Kpalimé »
La Naissance d’Un Récit Africain Inspirant
Ce qui frappe dans le parcours de Lionel Djondo, c’est cette capacité à faire de l’improvisation une méthode. Du nettoyage d’une rive au lancement d’un resort, il transforme l’empirisme en stratégie et l’intuition en bâtisseur. Le Miadjoe Beach Resort incarne cette nouvelle génération d’entrepreneurs africains : connectés, ancrés, ambitieux, et fiers de réinventer leur territoire. Et s’il fallait retenir une image, ce serait peut-être celle-ci : un entrepreneur descendant d’une lignée de bâtisseurs économiques, qui choisit de laisser son empreinte non pas dans les tours de verre, mais dans le sable chaud d’Aného. Là où tout a recommencé.
Informations & Réservations
Tarifs :
• Chambre Standard (1 nuitée + petit-déjeuner) : 59 000 francs CFA (environ 90 euros)
• Chambre Silver (1 nuitée + petit-déjeuner) : 69 000 francs CFA (105 euros)
• Chambre Gold – Deluxe face à la mer (1 nuitée + petit-déjeuner) : 79 000 francs CFA (120 euros)
Réservations :
📞 +228 92 06 21 21
🌐 https://miadjoe-beach-resort.org.es/
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